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Les revenus 2010 en médecine libérale Douche froide chez les généralistes, bonne cuvée pour les spécialistes

Après une année 2009 médiocre en médecine libérale, 2010 marque le rebond des revenus pour la plupart des spécialités, avec des augmentations hétérogènes (1 à  10 %). En revanche, malgré la réforme de la taxe professionnelle, les généralistes subissent des pertes nettes (-1,5 %) pour la troisième année consécutive, selon le bilan fiscal des associations gestion agréées (AGA) de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), que « le Quotidien » s'est procuré.
LES MÉDECINS déjà  sortis de la crise"‰? Derrière cette question provocatrice, une réalité : après une année 2009 douloureuse pour presque tous les praticiens libéraux (une quinzaine de spécialités affichaient des bénéfices en baisse), 2010 se révèle être un meilleur millésime, si l'on s'en tient au revenu mesuré après les charges mais avant impôt.

Selon les déclarations fiscales issues des AGA du réseau de l'UNAPL, qui reposent sur des effectifs significatifs (14"‰000 généralistes, 1"‰400 psychiatres, 1"‰100 cardiologues, un millier d'anesthésistes ou d'ophtalmologistes, 800 dermatologues...), la quasi-totalité des disciplines ont retrouvé en 2010 le chemin de la croissance des revenus avec des fortunes très diverses (jusqu'à  10 % d'augmentation, lire notre tableau détaillé). « D'une manière générale, le corps médical libéral, dont les recettes sont largement solvabilisées par la solidarité, a été moins touché que d'autres professions libérales frappées de plein fouet par la crise », assure le Dr Olivier Aynaud, secrétaire général de l'UNAPL.

Tous ne tirent pas leur épingle du jeu. Ce cru 2010 reste en particulier très amer pour les médecins généralistes, dont le revenu imposable diminue pour la troisième année de suite (-1,5 %) ou pour les pédiatres (-2,6 %), déjà  au bas de l'échelle des revenus. Un résultat d'autant plus calamiteux que l'inflation moyenne est repartie à  la hausse en 2010, au-dessus de 1,5 % (contrairement à  2009 où elle était nulle).

"¢ Médecins généralistes : troisième année de bouillon

Jamais deux sans trois. Après les baisses de revenus subies en 2008 et 2009, les généralistes ont vécu une nouvelle année difficile pour leur portefeuille. Avec 78"‰900 euros de bénéfice imposable, ils enregistrent une chute significative de 1,5 % de leur BNC. Chaque médecin a en moyenne perdu 1"‰200 euros sur sa déclaration d'impôt en 2010.

Ce résultat aurait pu être pire encore si les généralistes n'avaient pas bénéficié de la réforme de la taxe professionnelle. Cette refonte leur a permis d'économiser près de... 2"‰000 euros en 2010. Mais comme en 2009, les autres charges (personnel, loyers...) restent élevées et grignotent le bénéfice. Du coup, la marge nette du médecin de famille n'augmente que légèrement. Sur 100 euros de recettes totales (honoraires perçus), le bénéfice du médecin est passé de 57,30 euros en 2009 à  près de 58 euros en 2010. Trop mince pour compenser la baisse d'activité (que toutes les études traduisent). « Ces chiffres ne m'étonnent pas, commente le Dr Claude Leicher, président de MG-France. Ils me semblent même légèrement en dessous de la réalité. Les généralistes adhérant aux AGA de l'UNAPL ont traditionnellement des revenus un peu plus élevés que les autres. C'est d'ailleurs cette baisse du bénéfice non commercial qui a amené le gouvernement, courant 2010, à  accepter de revaloriser le C et le CS à  23 euros ».

Comment expliquer cette dégringolade alors que la quasi-totalité des autres spécialités ont connu une embellie"‰? Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Après une année 2009 marquée par la grippe A qui a entraîné des pics de consultations, 2010 n'a pas connu d'épidémie majeure. Par ailleurs, la crise économique qui frappe le pays depuis près de trois ans a eu des conséquences directes sur le comportement des usagers. « Il est probable qu'une tranche de la population a retardé ou renoncé à  des soins », explique Olivier Aynaud. Selon le Dr Michel Combier, président de la branche généraliste de la CSMF, les patients regroupent fréquemment les motifs de consultation lorsqu'ils se rendent chez leur médecin de famille. « Ces consultations sont de plus en plus longues et les médecins doivent y résoudre des problématiques médico-sociales de plus en plus lourdes », affirme le Dr Combier.

Par ailleurs, les généralistes ont pâti du blocage de leurs honoraires depuis le passage du C à  22 euros le 1er juillet 2007. Quant aux premiers bonus sur objectifs dans le cadre du contrat d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI), ils ont été versés à  l'été 2010 auprès de 4"‰000 généralistes seulement pour un montant moyen de 3"‰100 euros par médecin. Difficile d'en trouver trace dans les revenus déclarés. Leur part n'est pas suffisamment significative pour peser sur cette cuvée 2010. « Ils ont été noyés dans la masse », explique le Dr Combier. « Les CAPI représentent peanuts », renchérit le Dr Olivier Aynaud.

La toute nouvelle convention, qui généralise le paiement à  la performance, peut-elle inverser la tendance"‰? En attendant de juger sur pièces, les deux leaders se rejoignent sur un point : avec la hausse du C au 1er janvier dernier et un contexte épidémique plus animé, l'année 2011 devrait être meilleure pour les médecins de famille.

"¢ Médecins spécialistes : des augmentations en forme de rattrapage

Le contraste est frappant d'un exercice à  l'autre. En 2009, pas moins de quatorze disciplines essuyaient des pertes nettes. Cette fois, seuls les pédiatres et les chirurgiens urologues voient leurs revenus s'éroder. Tous les autres spécialistes affichent des bénéfices en progression. Pour certains (angiologues, psychiatres...), la croissance du BNC est si modeste qu'elle ne compense même pas l'inflation; beaucoup d'autres, surtout, font le yo-yo d'une année sur l'autre ce qui doit nuancer les augmentations constatées. Ainsi, nombre de spécialistes qui connaissent un rebond significatif de leur bénéfice en 2010 (neurologues, rhumatologues, radiologues, médecins en réadaptation...) avaient fortement chuté en 2009. Le Dr Aynaud parle donc volontiers de « rattrapage » et précise que, « dans certaines disciplines qui fonctionnent comme des entreprises, les augmentations ne suivent toujours pas la hausse des charges fixes ou de personnel ».

Dans une période blanche de revalorisations, certaines spécialités (ophtalmologistes, cardiologues) profitent du vieillissement de la population conjugué à  un effet démographie. « L'explication de la tendance chez les spécialistes est assez simple, explique le Dr Chassang, président de la CSMF. Chez eux le surcroît d'activité compense le gel des tarifs alors que les généralistes ont connu à  la fois la baisse d'activité et stagnation des honoraires. » Autre explication : après avoir subi les effets de la mise en place du dispositif du médecin traitant, les spécialités retrouvent des couleurs, cinq ans après. « Chacun s'accommode du parcours de soins, il y a moins d'effet dissuasif », explique le Dr Aynaud.

La hiérarchie générale des revenus confirme enfin les fortes disparités entre spécialités cliniques et techniques (du simple au double entre le pédiatre et l'ophtalmologiste, du simple au triple entre l'endocrinologue et l'urologue...). « Ceux qui n'ont qu'une activité facturée en CS affichent les rémunérations les plus basses, on peut s'interroger sur l'équité de cette situation », explique le Dr Aynaud.

La convention 2011 qui privilégie les revalorisations ciblées pour des spécialistes au bas de l'échelle (dermatologues, psychiatres, pédiatres, endocrinologues...) corrigera-t-elle ces écarts de revenus"‰? Certains veulent le croire. Le Dr Francis Rubel, président du Syndicat national des pédiatres français (SNPF), compte sur les nouvelles majorations pour rendre sa profession plus attractive (une consultation médicale de sortie de maternité, fixée à  38 euros pour le secteur I et à  35 euros pour le secteur II, ainsi qu'une majoration de 3 euros pour les consultations d'enfants de 2 à  6 ans...). Quant au paiement à  la performance, la convention pose le principe de son extension aux spécialités en commençant par les cardiologues, les endocrinologues, les gastro-entérologues et les pédiatres.

"ºCYRILLE DUPUIS ET CHRISTOPHE GATTUSO

Le Quotidien du Médecin 07/09/2011



      Date de rédaction : 7 septembre 2011 8 h 36

      Date de modification : 7 septembre 2011 8 h 36 min

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