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Mot de passe oublié ?

Le développement professionnel continu: le nouveau paysage de la formation

Arlésienne, monstre du Loch Ness, la formation médicale est, en France, un sujet presque aussi tabou que le secret bancaire en Suisse. Pourtant, si l'on y réfléchi bien, il n'y a rien d'inquiétant à  s'impliquer dans l'évolution des connaissances dans un monde en perpétuelle avancée. Après tout, nous sommes des « homo sapiens », ce qui inclut une notion de doute, de quête de quelque chose, donc de mobilité de notre existence et de notre connaissance.

LA FORMATION MÉDICALE est une exigence de qualité de notre connaissance, pour nous-mêmes et pour nos patients. Elle est initialement validée par nos diplômes universitaires.

L'évaluation de cette connaissance, c'est l'introduction d'une notion d'évolution de cet acquis, c'est logique, inévitable et naturel.

Si ces deux principes de formation et d'évaluation sont importants pour nous, individus médecins, ils font partie intégrante de l'éthique médicale. L'enjeu est également prioritaire pour notre système de santé, pour les systèmes de tutelles et d'assurance.

Ainsi on voit bien se dessiner l'intrication de ces deux approches : positives, exigence personnelle, efficience et négatives, moyens de pression des intervenants financiers.

Les ORL, comme tous les praticiens, sont par habitude à  la fois attentifs et méfiants. Nos instances dirigeantes - la Société française d'ORL, le Collège des enseignants en ORL et le Syndicat national d'ORL - ont depuis longtemps affirmé la cohésion de la spécialité en créant le Conseil national de l'ORL, sorte de Haute Autorité de l'ORL qui permet de défendre et d'affirmer les principes de la spécialité.

Déjà , dans le contexte de la loi Kouchner de mars 2004 sur l'information aux patients, notre spécialité avait été la première à  établir des fiches d'information grâce à  son Conseil national de l'ORL.

En conformité au précédent projet de formation, évaluation, les instances de l'ORL ont obtenu la certification de l'EFAORL (Évaluation, Formation, Accréditation) par la Haute Autorité de santé. Toutes les informations sur cette structure sont aisément accessibles sur le site : www. efaorl.fr.

La donne a changé.

Évaluation, formation, accréditation : tout y était, sauf qu'une fois de plus, la donne a changé. Exit l'évaluation des pratiques professionnelles, exit la formation médicale continue, la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) redéfinit le paysage de la formation médicale en instituant le développement professionnel continu (DPC).

Seule l'accréditation reste inchangée, ce qui pour les ORL demeure une déception car les critères imposés pour cette démarche les desservent, comme toutes les spécialités médico-chirurgicales.

Quant à  la formation et l'évaluation, elles sont regroupées sous le principe unique du développement professionnel continu. Cette démarche est probablement calquée sur le principe anglais du « continuing professionnal development » qui gère l'évolution des carrières professionnelles.

Les décrets d'application de cette loi étant en cours de rédaction, il est prématuré de se prononcer avec précision sur ce texte. Toutefois, le maître d'oeuvre en serait un Conseil national du développement professionnel continu (CNDPC). Les médecins devraient s'impliquer dans une démarche annuelle de DPC. Ces filières seront ou non dans des thématiques prioritaires.

Seules les actions de formations sur les thèmes prioritaires seront financées par le futur organisme gestionnaire. Le CNDPC serait chargé de définir les thématiques prioritaires. La Haute Autorité de santé serait en charge de définir les méthodologies d'élaboration de ces actions de formation.

Au niveau des spécialités, les instances seraient sollicitées pour le choix des thèmes.

Si ce scénario se confirmait notre Conseil national de l'ORL, réunissant la Société française, le Collège des enseignants et le Syndicat national, y trouverait sa pleine justification.

Le CNORL aurait alors pleine capacité à  répertorier, élaborer et valider les thèmes prioritaires et non prioritaires concernant notre spécialité.

Une commission scientifique indépendante serait chargée de garantir la transparence financière et politique du système. Enfin, les conseils départementaux de l'ordre des médecins seraient chargés de contrôler et de faire respecter l'obligation de conformité au DPC.

Le large champ de compétence des ORL va rendre les choix difficiles, mais à  l'inverse cette multiplicité des possibilités permet d'imaginer des stratégies variées : orientation sur des thèmes classiques, sur des thèmes innovants, sur des thèmes frontières.

La baisse de la démographie médicale, la féminisation, la modification de notre pratique quotidienne par la loi HPST, la baisse de la part chirurgicale de notre exercice, le renforcement des plateaux techniques vont fortement influencer les choix des thèmes de la formation.

- Les études confirment le phénomène de baisse démographique en ORL comme dans les autres spécialités. Nous sommes actuellement 2"‰805 ORL en activité hospitalière, libérale ou salariée, une baisse progressive est programmée. La démographie nationale augmentant et la population vieillissant, notre pratique individuelle et sur site unique devra s'adapter notamment en s'impliquant dans les projets de maisons de spécialistes et des activités multisites.

- La féminisation de notre spécialité est évidente : déjà  12 % de femmes ORL en 2008, cela implique aussi une adaptation des horaires, favorisant les regroupements.

- La loi HPST instituant le médecin généraliste en premier recours modifie progressivement notre exercice qui devient, de fait, du second recours. Notre pratique doit s'y conformer. L'ORL est, là  encore, parfaitement adaptable à  ces nouvelles pratiques.

Nous voyions déjà  nombre de collègues qui se sont investis dans les vertiges avec les vidéo-nystagmographies et scopies, dans les fibroscopies souples et rigides, sans oublier les explorations de l'audition. Ils viennent aux ronflements au travers de la polygraphie avec pour corolaire la mise en place des orthèses d'avancée mandibulaire, de la ventilation en pression positive et la pratique de la radiofréquence.

D'autres extensions seront envisageables au travers des mini-scanners, de la rhinomanométrie, voire de la prise en charge des allergies respiratoires, ainsi que les explorations du goût.

L'apparition de nouvelles techniques d'exploration des acouphènes ainsi que de nouvelles techniques de prise en charge compléteront notre compétence sur ce qui est pour nous actuellement une carence.

L'évolution des techniques d'exploration de la voix viendra compléter nos explorations endoscopiques.

En effet si le larynx est un organe, la voix en est la résultante. Il est frappant de constater que les ORL regardent les cordes vocales sans presque pratiquer d'étude sono graphique alors que les phoniatres écoutent la voix sans presque regarder le larynx. Le rapprochement de nos deux spécialités permettra de redéfinir nos compétences.

L'ORL est également chirurgicale, là  aussi l'évolution des compétences et des connaissances est inscrite dans notre formation. Le développement de la chirurgie endonasale est un exemple récent de la capacité d'adaptation de nos collègues. Là  aussi, les thèmes de DPC seront nombreux et utiles.

Ainsi, le développement professionnel continu en ORL devra-t-il prendre en compte les évolutions de notre pratique de la médecine et de la chirurgie, tout autant que le besoin de régénération de nos connaissances, la nécessité de nous faire progresser dans de nouvelles approches thérapeutiques mais aussi faire savoir notre spécificité. On en revient au nécessaire prolongement du savoir faire par le faire savoir.

Le développement professionnel continu dans le cadre du parcours de soins.

La constitution de ces plateaux techniques ORL est le prolongement de la technicisassions de notre pratique, de la loi HPST, de la baisse de la démographie et des demandes de nos collègues généralistes.

Les futures Agences régionales de santé (ARS) seront le moyen de faire inscrire l'ORL dans les objectifs de santé nationaux ou régionaux, que ce soit sur des thèmes dits prioritaires ou non.

Le Conseil national de l'ORL, au travers de sa structure dédiée à  la formation : l'EFAORL, sera naturellement tourné vers nos collègues généralistes, afin de faire connaître notre apport dans le parcours de soins.

L'émergence de la notion de pratique médicale.

Les différentes lois (Kouchner, HPST) font petit à  petit glisser notre pratique vers un mode administratif et juridique : complexité de prise en charge de certains patients, apparition de la CCAM, respect du droit du malade, secret médical, information des patients, anesthésie de l'enfant.

Toutes ces évolutions font apparaître un besoin de formation spécifique et complémentaire de la connaissance scientifique.

Il sera nécessaire de développer dans ce domaine des thématiques de formation.

L'évolution nécessaire de l'EFAORL.

Dès que les décrets d'application du DPC dans le cadre de la loi HPST seront connus, il sera utile de compléter la structure de l'EFAORL vers ce nouveau champ de compétence.

Actuellement, cette structure est essentiellement orientée sur l'accréditation des ORL, les volets formation et évolution étaient encore en phase de développement.

Ainsi, notre spécialité est, grâce au dynamisme et à  la cohésion des ces différentes structures, parfaitement parée pour investir le nouveau champ d'action que sera le DPC.

Le devenir des Associations.

Les ORL comme toutes les spécialités ont constitué au fils du temps un maillage territorial associatif.

Ces associations se sont développées face à  l'isolement des médecins, au besoin spontanément perçu de formation et d'évaluation de nos compétences.

Elles sont officiellement déclarées et fonctionnent grâce aux cotisations de leurs membres.

Les réunions sont très officiellement déclarées et ont même, pour certaines obtenues, un agrément en tant qu'organisme de formation.

Le seul point litigieux reste le financement de ces réunions de formation. Actuellement, les laboratoires pharmaceutiques financent totalement notre formation. Cela se fait dans la transparence avec dépôt des conventions auprès du Conseil départemental de l'ordre des médecins.

Ces contrats précisent les sommes investies, leurs utilisations, le but attendu.

Il faut ainsi reconnaître que nous n'avons pas attendu le législateur pour prendre en main notre formation.

Les laboratoires pharmaceutiques restent des partenaires indispensables qui prennent en charge notre formation au travers des différentes structures existantes.

Si l'on lit entre les lignes, les textes publiés sur le DPC, il faut noter que seuls les thèmes dits prioritaires seront pris en charge par le CNDPC, rien n'est précisé pour les autres thèmes sauf qu'une structure dédiées surveillera la transparence financière : la commission financière indépendante. Il existe probablement une voie pour valider le partenariat actuel avec les laboratoires en créant de nouvelles règles.

Le rôle des laboratoires.

Il faut bien reconnaître qu'actuellement les formations médicales auxquelles nous participons sont presque toutes financées par les laboratoires pharmaceutiques et que cela se fait dans un cadre éthique satisfaisant, sous le contrôle des conseils départementaux de l'ordre des médecins.

à€ Paris comme en province, les réunions sous l'égide des associations permettent deux actions qui sont l'une comme l'autre, au service de la collectivité :

- première action qui est attendue et déjà  réalisée, c'est l'amélioration et la mise à  jour des connaissances. Ces réunions améliorent l'efficience du praticien. C'était le but, il est clairement atteint.

- La deuxième action ne parait pas au premier abord mais, à  la réflexion, elle me semble primordiale. Nous nous rencontrons, enfin dirais-je, nous nous parlons et nous nous apprécions.

En effet, ces réunions quasi mensuelles, permettent à  la communauté médicale de créer des liens d'amitié, chacun connaît les pratiques et les préférences de l'autre, ce rapprochement sert directement aux patients : moindres rivalités, bonne cohésion scientifique, prise en charge optimisée.

La méconnaissance de « l'autre » favorisait la défiance, mal habituel de notre société.

Au total, le nouveau cadre législatif du DPC va permettre à  la communauté ORL de s'investir à  la fois pour elle-même et pour sa valorisation dans le parcours de soins.

Nos instances ayant anticipé sur des structures adaptables à  cette réforme.

Nous devons toutefois attendre les décrets d'application avant d'investir ce DPC

Il faut souhaiter que l'on soit, cette fois-ci, à  l'aube d'une réelle application, d'un passage à  l'acte.

Le paysage médical est probablement au début d'une profonde mutation à  la fois scientifique et pratique : efficience de notre activité, regroupements, modulation des moyens de paiements, continuité des soins, notion de territoires de santé.

Cet environnement administratif ne doit pas faire oublier que la pratique médicale est d'abord et avant une pratique humaniste, il est indispensable que le cadre nouvellement instauré par la loi HPST permette au projet médical de réinvestir notre pratique.

La méconnaissance de la science, la méconnaissance de la pratique, la méconnaissance de l'autre me semblent les principaux axes que cette réforme doit contribuer à  résoudre.

La notion de projet médical, le renforcement de la communauté des ORL seront, je le sais, l'essence même de la réflexion et de l'action du Conseil National de l'ORL et de l'EFAORL.

* Secrétaire général du Syndicat des médecins spécialisés en ORL et chirurgie maxillo-faciale

Quotidien Spécialistes du : 22/10/2009



      Date de rédaction : 23 octobre 2009 2 h 04

      Date de modification : 23 octobre 2009 14 h 04 min

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