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Analyse des processus de DPC – Premier état des lieux réalisé dans le cadre des Assises du médicament

Dans le cadre des Assises du médicament, qui engage une large concertation sur la refonte du système de sécurité sanitaire des produits de santé, un premier état des lieux des processus de développement professionnel continu (DPC) a été tiré. Ce premier état des lieux doit maintenant être complété par une analyse exhaustive de la littérature internationale. Il permettra d'identifier les premiers enseignements qui pourront alimenter la réflexion avec les professionnels sur les méthodes du DPC.

L'enjeu est de garantir la qualité et la sécurité des pratiques des médecins et de l'ensemble des professionnels de santé. Cet enjeu renvoie à  une responsabilité portée par les professionnels eux-mêmes et partagée par les pouvoirs publics.

Cet enjeu s'exprime dans un contexte général qui s'est structuré au cours des dernières années et au sein duquel il est licite d'isoler les lignes de force suivantes :

"¢ constat d'une variabilité des pratiques médicales non justifiée par l'individualité que constitue chaque patient ;

"¢ droit de chaque patient à  des soins sûrs et de qualité ;

"¢ flux constant de nouvelles données issues de la recherche clinique et importance croissante prise par l'Evidence Based Medicine (EBM) dans l'élaboration et l'adaptation continue des protocoles mis en oeuvre par les médecins ;

"¢ nécessité de contrôler l'utilisation des ressources dédiées au fonctionnement du système de soins ;

"¢ exigence de transparence du système de santé, en particulier vis-à -vis des patients, de leurs représentants, des financeurs et des responsables politiques.

Simultanément, une évolution des conditions d'exercice des professionnels se concrétise et se traduit en particulier par :

"¢ le développement de systèmes d'information médicalisée et des dispositifs d'assistance à  la pratique (incluant les applications de la télémédecine) ;

"¢ l'abandon, notamment par les jeunes générations de l'exercice individuel isolé et l'engouement vers des regroupements pluriprofessionnels et multidisciplinaires ;

"¢ une bonne acceptabilité des professionnels de l'intégration de l'analyse et de l'évaluation de leurs pratiques dans leur conception du « professionnalisme » ;

"¢ une diversification en cours des modes de rémunération, avec l'introduction des « forfaitisations » et « des contrats individuels ou d'équipe à  la performance ».

La qualité et la sécurité des pratiques ainsi que les politiques qui peuvent être mises en oeuvre pour les garantir font l'objet d'analyses largement convergentes dans l'ensemble des pays développés (en particulier dans le périmètre de l'OCDE).

Cependant, les politiques résultantes affichent quelques différences, traduisant des spécificités de culture, d'histoire ou d'organisation propres à  ces pays (sans pour autant que les résultats produits en soient sensiblement modifiés).

Ainsi, une analyse menée à  l'échelle de l'OCDE fait ressortir trois modèles principaux de « revalidation* des compétences des professionnels ». Ces trois modèles sont développés ci-dessous.

a) Un modèle basé sur la participation à  des activités de formation continue

Initialement, ce modèle reposait sur l'actualisation de connaissances, d'abord dans un cadre d'enseignement postuniversitaire, puis de formation davantage centrée sur les besoins spécifiés en regard de l'exercice. Une quantification de ces activités a été progressivement élaborée, permettant l'attribution de points (ou de credits chez les anglo-saxons et en Europe1).
Ce premier modèle a connu deux évolutions sensibles ces quinze dernières années (motivées par l'insuffisance des résultats obtenus). D'abord la pédagogie de la formation continue s'est déplacée de la transmission des connaissances vers la résolution de problèmes pratiques et les amphithéâtres ont souvent été désertés au profit du travail en petits groupes. Ensuite, la formation continue a été associée à  d'autres activités, érigées progressivement comme critères complémentaires. Il s'agit par exemple d'activités d'(auto)évaluation des pratiques et d'implémentation de recommandations cliniques. Chacune de ces activités a fait l'objet d'attribution de nouveaux credits jusqu'à  définir des barèmes relativement complexes2.
Le non-respect des critères retenus expose généralement à  des sanctions (en réalité rarement mises en oeuvre).

Avec le recul dont on peut bénéficier aujourd'hui, ce modèle n'est pas considéré comme suffisant, pour la raison principale suivante : le respect des différents critères identifiés - et en particulier la pratique régulière d'activités de formation continue - ne garantit pas de manière stable et fiable la qualité de la pratique « en routine sur le terrain » du médecin concerné. Avant tout parce que la qualité de cette pratique dépend moins des « savoirs » de chaque médecin que des circonstances et conditions d'exercice.

De surcroît, la mise en oeuvre de déclinaisons de ce modèle se révèle complexe, coûteuse, et finalement lourde à  gérer.

b) Un modèle basé sur l'évaluation de la performance et des compétences, conditionnant éventuellement une « recertification » temporaire

Ce modèle repose historiquement sur l'examen des connaissances (comme dans les programmes de recertification par spécialité réalisés aux USA3). Il cherche avant tout à  recenser les professionnels les moins performants et, ainsi, à  garantir un seuil de qualité des prestations offertes à  la population.

Ce modèle a été progressivement enrichi par d'autres formes d'évaluation :

"¢ évaluation par l'examen de dossiers de malades, quelquefois sur des sujets spécifiques comme les mammographies en Allemagne ;

"¢ évaluation par les pairs qui peuvent se rendre dans les cabinets médicaux à  l'exemple du programme « Visitatie » en Hollande par exemple ;

"¢ prise en compte des avis des patients, des confrères, des employeurs sous la forme d'enquêtes d'opinion auprès d'échantillonnages des malades et des collègues de chaque médecin ;

"¢ surveillance des plaintes et des contentieux survenus au cours de l'exercice.

Ces évaluations portent sur les compétences cliniques des médecins mais aussi sur leurs compétences professionnelles, sociales et managériales. Il peut s'agir d'une évaluation réactive en cas de plainte ou de profil de pratique atypique, d'une évaluation de groupes à  risque tels les médecins plus âgés (choix qui risquent de porter atteinte à  la vie privée des individus) ou d'une évaluation périodique pour tous, processus lourd et au mieux que partiellement réalisé dans les pays développés.

Ce modèle souffre des mêmes limites que le modèle précédent : complexe, coûteux, lourd à  gérer. En second lieu, les dispositifs qui en résultent restent invariablement perçus par les médecins, comme des procédures autonomes et finalement indépendantes de leur exercice (comme des « objets en soi » constituant leur propre finalité). Ainsi, le praticien « recertifié » peut parfaitement se sentir dégagé d'une obligation à  laquelle il vient de satisfaire. Et il n'est pas rare que des praticiens ainsi recertifiés ne confirment pas dans leur exercice quotidien, l'excellence qu'ils viennent de se voir confirmer. Enfin, les données produites relatives au rapport coût/efficacité de ce modèle sont parcimonieuses et le cas échéant contradictoires.

c) Un modèle basé sur une amélioration continue des pratiques professionnelles

L'insuffisance des résultats obtenus avec les deux précédents modèles motive l'attention portée à  de nouvelles initiatives. Elles sont davantage inspirées par une préoccupation dominante d'optimisation de l'organisation de l'exercice des cliniciens et promues principalement par des équipes médicales elles-mêmes ou le cas échéant par des managers/financeurs, moins attachés à  une approche pédagogique (centrée sur les savoirs) ou une sensibilité académique.

Elles ont comme points communs d'analyser les pratiques en termes de résultats cliniques obtenus avec les malades, ou a minima en termes de conditions de mise en oeuvre de protocoles de prise en charge des patients, le cas échéant continuellement réadaptés à  la lumière de l'expérience acquise. Dans la pratique, elles prennent la forme d'un programme structuré autour de « méthodes » inscrites dans l'exercice quotidien comme les groupes d'analyse de pratique en médecine générale, les réunions de concertation pluridisciplinaire en cancérologie, les staffs de morbi-mortalité dans les services hospitaliers ou plus généralement toute activité clinique qui bénéficie de la tenue de « registres » colligeant les données traduisant les conditions de prise en charge des malades et les résultats obtenus4. Ces initiatives ne conçoivent pas la formation continue ou même l'évaluation des pratiques comme des entités (ou pire des finalités), mais comme des « séquences » le cas échéant puissamment développées mais inscrites dans un programme de soins visant à  l'amélioration du service rendu au malade. Ce sont ces méthodes et les démarches de ce type qui après avoir été recensées avec les organisations professionnelles sont recommandées en France par la HAS pour la mise en oeuvre du développement professionnel continu (DPC).

Elles sont bien acceptées des professionnels et laissent une large place à  l'autonomie professionnelle. Elles sont en train de démontrer leur économie de moyens et leur efficacité. Par contre, elles n'identifient pas de manière explicite les professionnels moins performants.

Les modalités de régulation et d'organisation

Il existe trois types de régulation auxquels sont associés les modèles de revalidation exposés supra.

Le type de régulation dominant est celui de l'autorégulation professionnelle. Il est lié à  la notion de professionnalisme et mis en oeuvre par des structures représentatives. Il est plus facilement accepté par les professionnels mais son efficacité est mise en doute et il est suspecté d'être conduit par une volonté de protectionnisme. Un deuxième mode de régulation repose sur la corégulation. Il implique responsabilité à  la fois des professionnels et de leurs associations et des organes de droit public ou d'organismes payeurs. Enfin, une régulation administrée, sans la pleine association des professionnels, conduit à  un engagement purement formel des professionnels, à  une non prise en compte de la diversité des compétences et sera un frein à  l'innovation.

Ces mo
dalités peuvent concerner tous les praticiens, ceux qui exercent en établissement ou seulement ceux qui ont un exercice risque. Pour ces derniers, plusieurs pays (USA, Canada, Australie, .) ont mis en place des processus de credentialling (accréditation) et de priviledging (sélection) où l'évaluation est réalisée au niveau de l'établissement ce qui permet au praticien de pratiquer dans ses murs dans un cadre prédéfini pour un temps limité et renouvelable. Avantage d'une évaluation réalisée localement donc au plus près de la pratique et de conduire à  des actions de formation ou de supervision adaptées au contexte en cas de besoin. Un organe de supervision, souvent dans le cadre d'une procédure de certification, évalue si l'établissement a mis en oeuvre un credentialling (accréditation) de qualité.

En pratique

"¢ Quelles exigences théoriques de DPC minimale des médecins en Europe ?

Les exigences requises communément admises dans la littérature scientifique et les expériences étrangères, sont entre 30 et 50 crédits par an, soit un équivalent de 3 à  8 jours de formation selon les pays. De fait en France cela correspond à  la participation moyenne des médecins libéraux généralistes dans le dispositif FPC/OGC.

"¢ Qui contrôle et régule ?

Dans de nombreux pays européens ce sont des fédérations ou organisations médicales professionnelles qui organisent, le plus souvent dans un cadre juridique établi par les pouvoirs publics, corégulé avec une autorité indépendante (comme la HAS). Parfois ce sont les assureurs qui jouent un rôle pilote.

Conclusion

"¢ Formation et évaluation sont deux composantes liées et l'ensemble des programmes rassemblés sous le concept de développement professionnel continu (DPC) insiste sur la priorité accordée à  l'amélioration continue des pratiques.

"¢ Il existe peu de preuves d'efficacité des deux premiers modèles (points a et b) ; qui de surcroît sont coûteux. Le financement fréquent par les industriels (pharmacie et dispositifs) d'actions relevant de l'un ou l'autre de ces modèles, pose le problème du contrôle de l'utilisation de ces ressources par un organisme indépendant).

"¢ Cette inefficacité relative explique le développement d'un troisième modèle s'appuyant autant que possible sur des méthodes intégrées à  l'exercice professionnel.

"¢ Ce sont précisément des méthodes et des démarches de ce type qui sont recommandées par la HAS en application de l'article 59 de la loi HPST, organisant le DPC dans les mêmes termes, aussi bien pour les médecins que pour tous les autres professionnels de santé (ce qui constitue un puissant encouragement aux programmes interprofessionnels).

"¢ La corégulation semble le modèle à  privilégier car il permet, d'une part, d'inscrire le programme dans un système qui privilégie l'incitation, sans exclure la possibilité de sanction et d'autre part de faire appel à  la responsabilisation professionnelle. C'est ce modèle (organismes professionnels et HAS) qui a été retenu avec succès pour l'accréditation des médecins.

"¢ Des programmes reposant sur un ensemble diversifié de stratégies et d'actions sont nécessaires, aucune approche univoque n'étant efficace.

"¢ Ces programmes sont très dépendants de l'environnement professionnel, en particulier des systèmes d'information.

"¢ Le développement de systèmes d'information sera un passage obligé pour la diffusion large des programmes avec un retour d'information avant tout vers les médecins et les professionnels impliqués mais également vers les patients et les gestionnaires.

* Le terme de « revalidation » est celui qui est internationalement utilisé pour désigner l'ensemble des approches utilisées pour maintenir et améliorer les compétences des professionnels.
1. En Europe l'exigence requise représente suivant les pays entre 30 et 50 crédits soit une équivalence de 4 à  8 jours de formation.
2. Exemple en Allemagne 250 crédits/ans - 1 crédit = 45 minutes.
3. Il s'agissait le plus souvent de QCM évaluant plus la connaissance que la performance ou la compétence.
4. En France, les programmes d'accréditation des spécialités ou activités à  risques s'inscrivent dans cette démarche.

Lettre DPC & Pratiques - Juin-août 2011



      Date de rédaction : 8 juin 2011 8 h 58

      Date de modification : 8 juin 2011 8 h 58 min

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