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Position de la Fédération des Spécialités Médicales et des Conseils Nationaux Professionnels sur le déconfinement et la reprise des activités médicales

 

 

 

 

Ce document a été rédigé à la suite de la visio-conférence tenue le 30 avril 2020, réunissant 35 représentants des 41 Conseils Nationaux Professionnels médicaux membres de la FSM. La tenue de cette réunion avait pour but de faire une synthèse des réponses à un questionnaire centré sur les conditions de la reprise d’une activité médicale normale en fin de période épidémique.

Problématique générale

La crise COVID a bouleversé les organisations des soins en priorisant l’essentiel des moyens humains et matériels au service des consultations, hospitalisations et réanimations des patients contaminés, selon la gravité de leur état. Ces contraintes ont eu un impact majeur sur les activités de toutes les spécialités médicales.

Cette crise a montré la capacité d’adaptation des équipes médicales et paramédicales, leur responsabilité et leur solidarité ainsi que leur capacité à collaborer y compris au niveau interrégional, quel que soit le mode d’exercice public ou privé. L’ensemble des professionnels de santé a été à même de gérer la crise sanitaire en adaptant au mieux les moyens dont ils disposaient, même s’ils ont à juste titre déploré le rationnement des moyens de protection lié à un manque de disponibilité. En effet en moins d’une semaine, l’ensemble des équipes médicales et chirurgicales a prouvé son efficacité pour transformer le système de soins en faveur de la réanimation et des moyens nécessaires à mettre en place pour tenir face au tsunami Covid. Il a été possible de stopper net les activités non indispensables en chirurgie que ce soit dans les établissements publics, ESPIC ou privés.

La démonstration de cette efficacité médicale et paramédicale est saluée par tous et permet de penser que c’est grâce à ces compétences que l’on pourra au mieux gérer la suite de cette pandémie. Les professionnels de santé ont cependant déploré la difficulté d’organisation des soins par les différentes tutelles, en particulier les ARS, par un manque de connaissance de la réalité médicale et en raison d’un excès de bureaucratie.

Nécessité d’une reprise rapide de l’activité dans toutes les spécialités

Cette reprise de l’activité doit relever des soignants en qualité de sachants. Elle doit être effective le plus rapidement possible, dès que les équipes médicales considèrent que les conditions locales le permettent. Les plans blancs doivent être levés pour permettre à tous de reprendre une activité de manière coordonnée et équitable.

L’enquête menée par la FSM auprès des CNP montre que toutes les spécialités constatent des retards très importants dans les prises en charge de pathologies non Covid. Beaucoup de pathologies sont actuellement prises en charge à des stades plus avancés et il devient urgent de reprendre rapidement les activités de dépistage, de diagnostic précoce et de soins de base. Les conséquences délétères pour les patients et le rebond d’activité qui vont s’ensuivre seront d’autant plus importants que l’on prendra plus de retard.

Les exemples des conséquences de retard diagnostique ne manquent pas : retard sur la vaccination des enfants, augmentation des stades avancés en cancérologie, retard à la prise en charge de la maladie coronarienne avec séquelles sévères d’infarctus, séquelles d’AVC non diagnostiqués à temps, retard de consolidation de fractures osseuses négligées, complications du diabète non suivi, séquelles psychologiques des chirurgies plastiques annulées, retard diagnostique d’anomalies anténatales, évolution de pathologies neurodégénératives, retard en imagerie diagnostique…

L’objectif est donc de se mettre en capacité de répondre à nouveau aux demandes de soins. Pour cela il est indispensable de rassurer la population qui a été choquée par cette pandémie. Il s’en suit une méfiance pour venir consulter et pour venir dans les établissements de soins. Il est donc important de bien mettre en évidence les mesures sanitaires prises dans les cabinets médicaux, les cliniques et les hôpitaux.

Selon quelles modalités ? Une reprise d’activité ajustée et coordonnée.

La reprise doit être basée sur les principes suivants :

- la progressivité : la reprise doit se faire avec les patients les plus urgents, car il faut tenir compte de la fatigue des équipes et de l’anticipation d’un possible rebond annoncé par les pouvoirs publics même si la capacité du corps médical à réagir a été démontrée lors de cette vague d’épidémie.

- l’adaptation au niveau local de recommandations de sortie de crise définies par les CNP et adaptées au fur et à mesure de la situation; la FSM pourra coordonner toutes les préconisations des CNP.

Ces conseils peuvent être :

- des recommandations pour la programmation des activités qui ont été définies dans toutes les spécialités chirurgicales et certaines spécialités médicales ;

- des règles de prise en charge des patients Covid depuis l’organisation des consultations ou la mise à disposition de chambres simples jusqu’aux protocoles de désinfection à retenir ;

- des mises en garde comme celles par exemple que le CNP de Biologie Médicale a été amené à faire sur le manque de sensibilité de la RT-PCR, la variabilité des résultats et les doutes sur la pertinence de leur utilisation dans ce contexte (un sujet PCR- au jour J peut être contaminé le lendemain et donc PCR+ à J1…) mais aussi par rapport aux incertitudes actuelles sur les tests sérologiques. Ces constatations font penser que l’organisation de flux covid- et covid+ va être très délicate, voire stricto sensu impossible ;

- d’assurer la protection du personnel soignant et des patients avec des moyens adaptés ;

- de prévoir une réactivité au jour le jour en fonction de l’évolution de l’épidémie et de la connaissance de la prise en charge des patients atteints de Covid.

- l’actualisation au fil de l’eau de ces conseils et recommandations à laquelle les CNP et la FSM s’engagent afin d’éviter que les décisions prises ne soient décalées dans le temps. La gestion des médicaments notamment doit être guidée au plus près par la cinétique de leur utilisation.

- le maintien d’une bonne collaboration entre les structures, tout particulièrement entre le public et le privé. Elle a été un des éléments les plus remarquables de la crise mais semble déjà remise en cause dans la phase descendante qui s’est amorcée. Il est donc primordial d’assurer l’équité dans la reprise entre les deux secteurs. Si des établissements doivent rester Covid+, leurs équipes doivent pouvoir se déplacer et aller opérer sur d’autres plateaux techniques, sauf à mettre en place une organisation permettant d’assurer les deux types d’activité dans des conditions de sécurité satisfaisantes.

- l’information des patients sur l’organisation des établissements, des circuits Covid+ et Covid-, des risques associés et de la justification de l’acte opératoire pendant cette période qui doit permettre de redonner confiance à la population. Tout doit être fait pour rassurer la population traumatisée par l’afflux continu d’informations de toute nature sur cette pandémie.

- la pérennisation des facilités données à l’utilisation d’outils de téléconsultation qui ont permis de garder le lien avec les patients. Il est très probable qu’il faudra sélectionner les patients pouvant être des « bons candidats » pour une vidéo consultation et ceux pour lesquels la présence physique restera indispensable (examen clinique, diagnostic d’annonce en cancérologie…). Les CNP, là encore, sont en mesure d’effectuer les recommandations nécessaires.

Ce qu’il faut éviter :

  • La reprise de l’activité ne doit absolument pas se faire sur la base de listes d’actes (avis unanime des CNP).

Ces listes ne seront jamais complètes et les actes qu’il est possible de réaliser sont dictés par des éléments qui ne sont pas maitrisables comme l’architecture des lieux, la taille des équipes ou encore la disponibilité des équipements de protection individuels.

Les indications opératoires doivent être discutées de manière collégiale en fonction de chaque patient. Les CNP considèrent qu’il est préférable de raisonner par familles d’interventions sur des délais de prise en charge à ne pas dépasser – moins de 2 semaines, de 4 à 6 semaines, plus de 6 semaines.

Pour prioriser les actes de soins, il est nécessaire non seulement de prendre en compte la pathologie mais surtout de discuter de l’opportunité des soins en fonction du patient, de son environnement et du risque sanitaire local.

S’il est aisé de définir des urgences vasculaires, infectieuses ou traumatiques, il est plus délicat de prioriser les soins cancérologiques ou les soins des pathologies fonctionnelles. Mais l’absence de soins, même non vitaux, peut cependant entrainer des dégradations psycho-sociales ou professionnelles pouvant devenir catastrophiques.

Ces décisions doivent être tracées, ce qui concourra à évaluer la pertinence des décisions qui ont été prises.

  • La reprise ne doit pas être freinée par la crainte d’une 2nde vague

Le CNP d’Anesthésie-Réanimation et de Médecine Péri Opératoire, le CNP de Médecine Intensive et Réanimation, et le CNP de Médecine d’Urgence ont pu bénéficier d’une manière importante de l’aide de leurs collègues et saluent cette mobilisation.

Les équipes et les établissements ont su montrer leur capacité à déprogrammer très rapidement toute l’activité en une semaine, cela sera à nouveau possible, même peut être encore plus vite pour faire face à un rebond épidémique s’il survenait. L’expérience acquise permet aujourd’hui d’être assuré d’une réactivité médicale face à d’éventuelles prochaines vagues. Il n’est donc pas raisonnable de bloquer longtemps à l’avance les soins par crainte d’un retard à la réaction sanitaire face à une nouvelle crise.

  • Elle ne doit pas se faire dans la crainte de sanctions injustifiées

Certaines ARS limitent aujourd’hui la reprise à certaines activités et menacent les médecins qui ne se conformeraient pas à leurs injonctions de sanctions pénales, cette situation est inacceptable. En concertation avec les instances locales, les décisions de soins doivent prendre en compte le patient, la pathologie, et l’environnement.

Cette limitation de l’activité empêche par exemple aujourd’hui le repositionnement des activités de circuit court comme la chirurgie ophtalmologique, reconstructrice ou fonctionnelle et plus généralement l’ambulatoire qui pourraient le faire rapidement, et sans nuire à la capacité des établissements à recevoir une éventuelle seconde vague de patient Covid.

Les ARS doivent accompagner les médecins et leurs équipes dans la reprise de l’activité et leur faire confiance.

Conclusion :

Les mesures prises doivent respecter la grande diversité des situations, s’appuyer sur les compétences des équipes qui ont mis en place les actions qui ont permis de faire face, permettre une reprise équitable et coordonnée grâce à une déclinaison au niveau régional et local par les acteurs des recommandations des CNP. En fin de pandémie, il sera nécessaire de faire un bilan médical de cette crise sanitaire afin d’en tirer des éléments de réflexion pour améliorer l’adaptation médicale aux éventuelles prochaines crises sanitaires. La FSM et les CNP sont prêts à contribuer à cette action de synthèse.

 

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