Communiqué de presse
Le pacte de lutte contre les déserts médicaux présenté récemment par le gouvernement comporte des idées de transferts de tâches médicales vers d’autres professions. Le texte donne des axes de travail mais n’entre pas dans le détail des applications en pratique.
Il parait nécessaire au SNORL de donner sa lecture des propositions :
- Prise en charge par un pharmacien d’un patient présentant des signes de rhinite allergique saisonnière avec une ordonnance échue : cette proposition est acceptable si elle se limite à un renouvellement d’ordonnance, la maladie nécessite une évaluation médicale régulière.
- Prise en charge par un pharmacien d’un patient présentant des signes de sinusite aigue et possibilité de prescrire une antibiothérapie : nous ne comprenons pas cette proposition. Une sinusite aigue maxillaire non compliquée ne nécessite pas d’antibiothérapie. Tout cas plus complexe nécessite un examen médical. Le diagnostic de sinusite est difficile, demande une certaine expérience pour ne pas confondre avec une rhinite d’une part et pour détecter des signes de complication d’autre part.
Ce transfert de tache expose à un double risque : des prescriptions excessives d’antibiotiques dans des cas non justifiés et des retards diagnostiques sur des complications.
- L’accès direct aux masseurs kinésithérapeutes(dans certaines CPTS dans un premier temps) : cet accès direct ne doit pas inclure les situations de vertiges, pour les raisons détaillées dans la recommandation sur la pratique clinique de la SFORL de 2023. La prise en charge kiné des patients vertigineux ne peut se faire qu’après un diagnostic médical. Les errances diagnostiques peuvent avoir de lourdes conséquences.
- Enfin le retrait des bouchons de cérumen par les audioprothésistes : il faut impérativement distinguer deux situations : la nécessité de retirer un bouchon à un patient connu et suivi par l’audioprothésiste et si le médecin qui a prescrit l’appareillage a bien précisé l’absence d’anomalie du conduit auditif et du tympan d’une part et l’accès direct à un audioprothésiste par un patient qui ressent son oreille bouchée et pense avoir un bouchon de cérumen de l’autre. Cette seconde situation impose un examen médical pour là encore pouvoir aboutir à un diagnostic.
Pour bien comprendre les enjeux, il est nécessaire de rappeler quelques définitions. Selon la HAS on distingue :
L’accès direct : accès à un professionnel de santé sans orientation préalable du patient par un médecin et
sans modification des compétences du professionnel de santé en question.
Transfert de compétences : action de déplacer l’acte de soin, d’un corps professionnel à un autre : les activités sont confiées dans leur totalité y compris en termes de responsabilité, à une profession autre. Le transfert signifie que les professionnels qui réalisent l’activité sont responsables, autonomes (dans la décision et la réalisation), compétents et qualifiés.
Délégation de tâches : action par laquelle le médecin confie à un autre professionnel de santé la réalisation d’un acte de soin ou d’une tâche. La délégation comprend l’idée de supervision. La responsabilité du délégant (le médecin) reste engagée du fait de la décision de déléguer, la responsabilité du délégué (le professionnel non médical) est engagée dans la réalisation de l’acte.
Protocole de coopération : permet la mise en place entre, des professionnels de santé délégants et des professionnels de santé délégués, de transfert d’activités, d’actes de soins ou d’une réorganisation des modes d’intervention auprès du patient.
Anticipant le départ à la retraite prévisible des nombreux ORL entrés dans les études de médecine avant l’instauration du numerus clausus le SNORL avait publié un rapport sur la démographie ORL à l’horizon 2020 dès 2013. Si les mesures nécessaires n’ont pas été prises ce n'est pas de la responsabilité des médecins, il ne faut donc pas les culpabiliser et il est temps de nous écouter pour prendre les décisions rapidement efficaces, qui permettront une prise en charge médicale de qualité pour les patients. La période actuelle de transition démographique, en attendant l’arrivée des futurs médecins diplômés (12000 admis en seconde année en 2025 contre 3500 par an au début des années 1990) peut être surmontée.
Nous avons des propositions pour améliorer l’offre de soins et pour chercher à attirer de jeunes diplômés en exercice libéra afin d’assurer un meilleur maillage du territoire :
- Inciter au cumul emploi retraite, en réduisant les charges de ces médecins et surtout en leur permettant d’améliorer leur pension retraite lors de cet exercice.
- Favoriser les remplacements en libéral : autoriser des jours de congés sans solde pour les étudiants de 3è cycle, réduire leurs charges sociales et permettre aux ORL qui opèrent d’être remplacés dans leurs cabinets lorsqu’ils opèrent, afin de profiter au maximum de tous les plateaux techniques.
Également développer les stages ORL pour les étudiants de 3è cycle, prévus dans la maquette du DES mais encore trop rares.
- Favoriser le déploiement des assistants médicaux et permettre à tous les ORL de bénéficier d’une aide à l’embauche, sans limitation en fonction du secteur d’activité ou de la part chirurgicale de leurs revenus.
- Enfin pour plus de sécurité pour les patients les professionnels vers lesquels des taches ont été transférées devraient systématiquement demander une téléexpertise au médecin traitant ou à un médecin de la CPTS en absence de médecin traitant pour valider la prise en charge.
Le SNORL est entièrement à disposition pour améliorer l’accès aux soins, avec des soins de qualité pour tous et partout.
Docteur Nils Morel
Président
Date de rédaction : 13 mai 2025 6 h 10
Date de modification : 13 mai 2025 18 h 32 min